Henri Matisse
Portrait au visage rose et bleu
1936-1937

Lors de sa période niçoise, pendant laquelle Matisse brossa le Portrait au visage rose et bleu, l’artiste pose avec acuité le problème de la couleur en rapport avec la ligne et l’espace. Il utilise une construction rigide et dénudée, construction qui s’annonce déjà plus ou moins, en 1916, dans la célèbre Leçon de piano. La schématisation des formes semble être une règle de conduite et Matisse s’efforce de hausser la couleur au même degré de clarté que le dessin. Il représente son sujet de face, ce qui lui permet de faire fi de toute ligne fuyante. De cette organisation de la couleur, dépend toute la planéité de la surface. Par ce portrait, Matisse est déjà engagé dans la résolution de son dilemme, vouloir sentir avec la couleur, qu’il solutionnera en 1943. Certaines taches de couleur, comme le rouge des lèvres et certains traits, comme le noir des yeux et les rayures du chemisier, ont une fonction chromatique alors que les lignes de la chevelure, de l’oreille et du menton ont pour leur part une fonction graphique. Le bleu et le rose se refusent au modèle du portrait illusionniste. Le tableau est construit autour d’un axe vertical virtuel qui lui sert en somme d’assise structurelle. Matisse ne se sert pas de l’arabesque du visage pour délimiter les surfaces à la façon d’une ligne, il compartimente celles-ci sans jamais mélanger la couleur. On remarque chez Matisse, avec de tels traitements, une attitude de réduction qui ira jusqu’à la représentation d’une tête par le moyen d’un ovale monochrome sans yeux, sans nez et sans bouche comme La jeune anglaise de 1947. Témoin d’une expérimentation capitale de tout l’œuvre de Matisse, le Portrait au visage rose et bleu participe de ce cheminement du peintre vers les œuvres de maturité.